LE REBUS A BOND DOS - Ch 3 -
1er après midi
-
- Je suis Monsieur Jean Michel Guillaudeau, chargé de mission à
l'Ambassade de France au Japon auprès des forces de sécurité
intérieures. Etes vous M.Etes Ouali ?
Je vais être obligé de donner des cours de prononciation pendant tout
mon séjour. Super le Japon!
- Oui, Monsieur Guillaudeau, je suis Monsieur Aït Ouali, pour vous
servir.
- Ah pardonnez ma pronociation. Je n'avais personne au
bureau capable de me donner un conseil là dessus. Comment
s'est passée l'immigration ?
- C'est la première fois que je fais la queue pour faire tamponner mon
passeport alors je n'ai pas d'éléments de comparaison. Autrement si on
vous le demande je suis ici pour participer à un concours de mots
fléchés. C'est ce que j'ai expliqué à la charmante jeune femme en
tenue.
Il éclate de rire. Tout le monde se retourne. Il s'étouffe. C'est un
brave garçon. Il est un peu guindé comme ça. La position à l'ambassade
certainement.
- Est ce que vous étiez dans la police Monsieur
Guillaudeau ?
- Pas exactement, dans la sécurité militaire. C' est ce qui plaît à nos
collègues japonais. Je suis plus « ordonné » de
leur point de vue qu'un « friku », un flic, français.
- Alors pouvez vous m'en dire un peu plus sur ce dossier de rébus. Que
l'ambassade me fasse venir depuis Lyon pour résoudre un jeu de mots me
semble dépasser les limites de l'humour français.
- Quand nous serons dans le TREX, le train express, je vous en raconte
plus.
Installés dans un wagon très large et très long où les sièges se font
face, M. Guillaudeau commence à me donner des détails sur l'affaire. Le
quartier général de la police sur Hamamatsucho a commencé de recevoir,
il y a trois semaines des colis. Ils contenaient des morceaux de
peau du dos d'une personne de sexe masculin. Ces morceaux sont décorés
de très beaux tatouages et de caractères japonais qui sont
incompréhensibles. Après analyse des deux morceaux reçus à une semaine
d'intervalle, le service scientifique a pu confirmer que la personne à
laquelle ils appartenaient est un blanc, enfin un type « européen
caucasien », avec peut être des ancêtres d'origine arabe. J'ai un
frisson. Ca ressemble à mes origines. Français pur sucre, avec du sang
arabe par mon grand père paternel et kabyle par ma grand mère
maternelle : un huitième d'Afrique du Nord, pour le reste d'Europe du
Nord et du Sud. Comment font ils les scientifiques ?
- Comment est ce qu'ils sont arrivés à retrouver tout ça ?
- Monsieur Aït Ouali, est ce que vous avez un prénom ? Ce sera plus
facile pour moi.
- Oui, je m'appelle Mohamed Robert, toutefois par dérision et aussi
parce qu'ils sont nombreux ceux qui ont du mal à retenir tout ça,
appelez moi Bob, ça fait plus flic.
- Bon, Bob, les Japonais ont un défaut qui fait leur qualité: ils sont
casse-pied de méticulosité et sont capables sans problèmes de retrouver
une aiguille dans une botte de foin si, vous leur fournissez la qualité
de l'acier de l'aiguille, et la date de ramassage du foin. Donc s'ils
disent que le dos de la personne en question est d'origine européenne
avec des ancêtres arabes, je les crois.
- Alors qu'est ce que je viens faire dans cette histoire, ils ont déjà
tout trouvé.
- Non, ils savent ça uniquement. Européen et Arabe, ça peut vouloir
dire harki, beur, et aussi anglo-irakien, italo-lybien ou
hispano-marocain et j'en passe. Alors quand ils ont découvert des
caractères arabes sur la peau qui étaient là avant le joli tatouage que
vous allez voir, ils ne sont pas allés plus loin. Ils ont cherché à qui
s'adresser. Comme je suis bien avec le chef de la police criminelle à
Hamamatsucho, j'ai tout de suite proposé que nous leur prêtions un
spécialiste, et vous voilà.
- Merci, merci, c'est aussi mon chef qui vous remercie pour les frais, le salaire et tout ça.
- Oh vous savez en fait nous ne déboursons rien.
- Humm ?
- Non ce sont nos amis japonais qui paient et comme il n'y a pas de
petits bénéfices avec eux, nous avons ajouté votre salaire. En fait une
partie reviendra à mon service, bien sûr.
- Vous expliquerez ça à mon chef.
Je jette un oeil au dehors et là surprise, il y a des champs avec des
tracteurs et des moulins
hollandais et même des Hollandaises en tenue typique.
- Ne vous étonnez pas Bob, les Hollandais étaient ici les premiers au
Japon. C'est d'ailleurs pour ça que leur
adjectif « étrange » ressemble à la prononciation de « Hollande ».
- Merci ça je savais. De là à reproduire la Hollande au nord de Tokyo.
- Le Japon est un immense parc d'attractions pour des visiteurs
étrangers. Vous verrez.
En arrivant sur la ville,effectivement, je voyais. Des immeubles de hauteur
diffèrentes entouraient une charmante fermette en bois noir avec des
tuiles bleues vernissées, des hôtels m'invitaient à venir dormir chez
eux parce que la qualité de leur matelas et de leurs hôtesse de massage
étaient sans égal, dans le soleil couchant une énorme crotte jaune
brillait sur un diamant noir.
- Qu'est ce que c'est que cette énorme étron en or sur cet immeuble ?
- C'est de l'art moderne et c'est le symbole de la réussite de la plus
grande société de brasserie au monde, Asahi, une bonne bière
d'habitude. Les Tokyoïtes l'ont appelé comme vous "the big one".
Le
train filait maintenant. Dans une succession de
tunnels éclairés par intermittence de quais de couleur jaune baignés de
lumière verte et orangée, des chefs de quai en tenue bleue semblaient
saluer en permanence notre train.
- Est ce qu'ils sont payés pour saluer le train ?
- Oui, ils saluent et en même temps ils vérifient que le train est à
l'heure et passe sur la bonne voie.
- Hein, ils leur arrivent de se tromper de voie ?
- Oui, ici, Bob, les sociétés de chemin de fer sont toutes privées et
les sociétés d'aiguillage et de rail aussi, alors parfois il peut y
avoir des erreurs.
Le train ralentissait et une musique métallique d'ordinateur suivie
d'une voie tout aussi métallique et féminine nous annonçait que nous
allions arriver à la gare centrale de Tokyo.
- L'hôtel que je vous ai réservé se trouve à côté de la gare. C'est
très calme et il y a un bon restaurant de cuisine française dans le
sous sol. Est ce que vous avez faim ?
Oui j'avais faim et surtout sommeil.